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Ce n'est rien
et c'est déjà beaucoup ! |
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Beaucoup de sceptiques systématiques diront que nos rapprochements ne changeront rien à leur conviction que le basque est une langue à part ! Mais, optimistes convaincus que nous sommes, nous continuons de penser qu'il y a encore parmi eux des gens suffisamment sensés pour changer d'avis. A leur adresse, nous ne nous lasserons pas de marteler la phrase d'André MARTINET [1] rappelée dans l'introduction à tous nos articles : « On se gardera d'oublier que l'on peut attribuer au hasard une ressemblance isolée, mais non un ensemble de faits connexes. » | ||||
Et toutes les ressemblances (déjà nombreuses) que nous avons révélées, ce sont certainement, au regard de la richesse d'une langue, des petits riens mais c'est déjà beaucoup ce que nous allons voir à nouveau ici et maintenant ! | ||||
Rien ... | ||||
A la question ZER DIOZU "que dites-vous ?", le basque
peut répondre DEUS "rien", sous-entendant une négation
(EZ "non") car, sans la négation, DEUS signifie "quelque
chose". Mais nous avons aussi le terme EZDEUS "rien, néant,
inutile" tout à la fois substantif et adjectif. Or, Homère utilisait les formes ἐδευσεν [edeusen], δεήσω [deḗsō] et ἐδέησα [edeēsa] du verbe δεω [deō] qui, selon le fameux helléniste Pierre CHANTRAINE « exprime l'idée de "manque, privation, demande" » ; il leur attribue le sens originel de "manque, infériorité", en suggère une racine /δευς-/ [deus-] qu'il rapproche du sanskrit /doṣa-/ "manque" et de l'i.-e. reconstitué /*douso/ ! Et puisque « deux fois rien, c'est déjà quelque chose », comme disait le regretté Raymond Devos, nous avons aussi les termes PITS "rien, miette, bagatelle " et PITXIKA "pincée, petite quantité" [2] que l'on peut également oser rapprocher du grec ψίχη [psíkhē] "miette" (?). |
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Beaucoup ... | ||||
de termes pour traduire la notion d'abondance et plusieurs d'entre eux fleurent bon l'indo-européen : | ||||
Nous en avons déjà rencontré plus d'un | ||||
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Et nous en avons d'autres comme | ||||
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Au
deuxième plan, extrait de la réalisation de Jean-Baptiste
Pigalle en 1765 (place royale à Reims), intégrant dans le socle de la statue de Louis XIV une Corne d'abondance, issue de la mythologie grecque. |
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- Enfin, nous avons NASAI dont l’un des sens est “abondance, foisonnement” qu'Eñaut ETCHAMENDY rapproche du grec νῆσαι [nēsai] “entasser, charger, bourrer”, dont la forme νηῆσαι [nēēsai] utilisée par Homère est considérée par Pierre CHANTRAINE comme l’une des plus anciennes mais, de son propre aveu « pas d'étymologie. » ! | ||||
En résumé ... | ||||
Ne trouvez-vous pas que tous ces petits riens de similitudes, ajoutés aux abondantes ressemblances évoquées à travers nos articles, cela commence à faire beaucoup ! | ||||
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique. | ||||
[1] MARTINET André [1908-1999] Elève
de De SAUSSURE ... Considéré comme un des grands linguistes généraliste (avec un ouvrage de référence : « Éléments de linguistique générale » 1960) et tenant de l'évolution à travers le temps de la fonction des sons dans la structure des mots. Il a publié une vingtaine d'ouvrages dont « Économie des changements phonétiques » 1955 et « Évolution des langues et reconstruction » 1975. |
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[2] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) | ||||
[3] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905) | ||||
[4] s/PULUSTA/PULUXTA dans le Dictionnaire de LHANDE : quantité, nombre assez considérable | ||||
[5] Terme dialectal utilisé selon E. ETCHAMENDY à Béhasque, Lantabat, Ispoure, Baïgorry. | ||||