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(29) Il faut compter … avec le basque !
(2ème partie)
 
Nous avons déjà évoqué certains points de convergence du basque et de l'indo-européen avec les chiffres UN et DEUX. Poursuivons notre analyse…
 
Jamais TROIS sans deux ?
"Trois" se dit HIRU(R) en basque. Si l'on admet que « -U(R) » est un suffixe comme le « -ya » pour
les termes équivalents en avestique [1] (θritya) et en sanskrit (tŗtīya), on peut être amené à comparer « HIR- » et « θrit- », apparemment assez dissemblables. Mais, l'équivalent grec (encore assez proche) τρι- [tri-] a son homologue mycénien [2] tiri- et si l'on rappelle la transcription phonétique internationale de θ [th aspiré], on voit émerger du rapprochement θ + (t)iri (t)hIR(i) !

A ce niveau de notre réflexion (certes un peu acrobatique), signalons que le célèbre helléniste Emile BENVENISTE évoque, à propos des expressions indo-européennes du nombre trois, une racine /*ter-/ qu'il rapproche de τρεῖς (treĩs) "dépasse" … (implicitement) le nombre "deux". Or, nous avons en basque un radical HAR(A)- "là-bas" que l'on retrouve dans HARAINDI "au-delà" ; et donc si, avec une certaine témérité, nous supposons que le « -U » de HIRU (comme celui de dUo) est l'expression du nombre « deux », nous pourrions aussi nous aligner sur l'analyse de BENVENISTE en donnant à HIRU la signification "dépasse 2".
 
QUATRE a peut-être sa part d'indo-européen !
Probablement de la même famille que LAU(R) "quatre", nous avons LAKA "unité de mesure pour graines et farines" correspondant à ¼ de GAITZURU "boisseau" (environ 8 kg). Mais, le terme LAKA a aussi pour signification la "part du meunier prélevée sur le grain à moudre". Or (coïncidence ?), le grec possède λαχη [lakhē] "part", de λαγχάνω [lagkhanō] "avoir sa part" !
 
Comme les CINQ doigts de la main !
Nous avons déjà donné une interprétation possible de BORTZ "cinq" = "moitié [de] dix ?" (Cf. nota [4] de l'article précédent) où TZI/TZ serait alors proche de certains équivalents indo-européens.

Mais, il y a un autre parallèle à faire entre indo-européen et basque, c'est la continuité fréquente de termes utilisés de part et d'autre pour exprimer la chaîne ...
“cinq” “main/poing” “tout, multiplicité/beaucoup” “toucher/piquer”
De CINQ au POING
BOST "cinq" a un dérivé BOSTEKO (littéralement "du cinq") pour désigner la "poignée de main" ou "l'une des mains" et, tout naturellement, des linguistes indo-européanistes rapprochent aussi "cinq" du "poing".
EXEMPLES
grec
vieux slave
gothique / v. ht all.
allemand
anglais
“cinq” :
πέντε [pénte]
*pętь
fimf
fünf
five
“poing” :
grec πύξ [púx]
pęnstǐ
fūst
Faust
fist
De CINQ à BEAUCOUP
Outre "cinq", BOST figure aussi chez AZKUE [3] avec le sens de "beaucoup". Or, les mots correspondants du vocabulaire indo-européen sont aussi très souvent apparentés.
EXEMPLES
grec
indo-iranien
hittite
“cinq” :
πέντε [pénte]
pandj
panza
“tout, multiplicité” :
grec πάν [pán]
páncā
panku
 
Par ailleurs, au niveau du vocabulaire indo-européen, le lien est établi entre les termes "poing" et "toucher" comme par exemple en latin avec respectivement pugnus et pungo. Or, nous avons évoqué [article N°10] le radical basque UK pour désigner la "main", à la base probable de UKI/HUNKI "tact, toucher", terme dans lequel Eñaut ETCHAMENDY voit une possible racine en /*HUN-/*HUND-/ qu'il rapproche du gothique handus et du vieux haut allemand munt "main" ... ce qui établit une similitude de plus du basque et de l'indo-européen et confirme le lien évident de la "main" et du "poing".
 
 
zig [tzig] "dix"
vieux haut
allemand


zehn [tzén] "dix"
allemand
moderne


dzatsi "dix"
Aroumain




-TZ/-TZI "dix ?"
basque
ERDI
"demi, moitié"


/*ϝER-/*ϝOR-/
"deux" ou "demi" ?


BORTZ "cinq"
"moitié de dix ?"

ZORTZI "huit"
"2 à dix ?"

BEDERATZI "neuf"
"1 à dix ?"
 
 
La preuve par … NEUF !
BEDERATZI "9/neuf" pourrait bien aussi avoir été construit sur le même schéma que ZORTZI, qui pourrait traduire "un [à] dix". BEDERATZI pourrait être en effet composé de BEDER[EN] "une fois" + ERA[T] "à, vers" + TZI "dix", auquel cas, là encore, la relation avec l'indo-européen serait établie.
Mais, à ceux qui balayent d'un revers de main cette hypothèse, nous signalons que BEDEREN a une autre signification "au moins" (c.-à-d. "égal ou plus"), que les souletins expriment par le terme PHÜRÜ. Or, le sanskrit a dans son vocabulaire un mot quasi-identique purũḥ "abondant", dont Emile BENVENISTE a établi la relation avec le latin plūs ! … un début de preuve ou une coincidence de … plus ?
 
 

[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.

[1] Avestique : pour mémoire, langue ancienne, proche du vieux perse, qui est celle du livre sacré des Iraniens (l'Avesta)
[2] Pour mémoire, le Grec ancien ce sont de nombreux dialectes parlés dans les 4 tribus de la Grèce antique dont le Mycénien (1600 à 1100 avant JC) de Mycènes (ville du Péloponnèse), le grec prépondérant dans les textes littéraires étant le grec Attique (d'Athènes) plus récent (~ 800 à 300 avant JC).
[3] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905 : Le plus complet à propos de BORTZ/BORZ/BOST)

 
 
Article précédent consacré aux nombres