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(23) La TOTALE
 
Cela revient comme une antienne : « les similitudes du vocabulaire basque avec ceux de langues indo-européennes ne peut être que des emprunts du basque à ses voisins » !
Nous vous avons déjà apporté maints exemples qui contredisent ces affirmations, mais aujourd'hui … nous vous faisons la … totale ! … en nous intéressant au vocabulaire traduisant nos « entièrement, complètement, suffisamment, pleinement, totalement … ».
 
Même Pierre LHANDE [1] fait précéder le mot basque ARRAS "entièrement, complètement" d'un astérisque (*) pour souligner qu'il est « manifestement emprunté à d'autres idiomes, surtout [dans l'aire] romane » et, en l'occurrence, il pense peut-être au français à ras.
Pourtant à y regarder de plus près, ARRAS, qu'Eñaut ETCHAMENDY traduit par "largement assez", pourrait bien avoir effectivement une lointaine relation avec le sanskrit váras- "largeur" [2] ou urú "large" ainsi qu'avec le grec εὐρύς [ϝeurús] "large, étendu" … d'autant plus que le même P. LHANDE, en rappelle la forme souletine ERRAS !
 
 
D'ailleurs, est-il besoin d'aller … plus loin quand on apprend
qu'une forme          
déclinée de εὐρυς            
"étendu", εὐρυν [eurún],           
ressemble curieusement       
au basque URRUN       
"loin, lointain, vaste, qui s'étend au loin" ?
 
 
De la même manière ASKI "assez, suffisamment" est vu par certains comme emprunté au français assez, alors qu'il est issu de ASE "saturation, rassasiement, saturé, repu" « adverbialisé » comme souvent en basque par l'adjonction de KI [3]. Or, pour mémoire, nous avons déjà rencontré ASE à propos de nourriture (cf article N° 2) dont nous avions souligné la similitude saisissante avec les mots grecs ἆσαι [āsai], ἄση [ásē] "rassasier, rassasié".
 
Si vous n'êtes pas pleinement convaincus, nous avons BET(H)EA et BET(H)ERIK, "rempli, plein", qui sont sans aucun doute à rapprocher de πε-πληθα [pé-plētha] et πλῆθορικος [plēthorikos] [4] "plein, qui a été rempli". Il est vrai que ce dernier terme est aussi à l'origine du français pléthorique comme πληθώρη [plēthṓrē] "plénitude" est à l'origine de pléthore … ce qui pourrait faire dire à certains que le basque s'est tout simplement approprié le vocabulaire de son voisin … mais, la finale de BET(H)ERIK est une construction proprement euskarienne (et notamment souletine) marquant l'action passée réalisée du verbe BET(H)E remplir [5].
 
Nous avons également le terme ORO "tout, totalement" qu'il est tentant de rapprocher du grec ὅλος [ϝolos] "tout entier, complet, tout" surtout si l'on rappelle que l'alternance /l/r/ est régulière en basque [6].
 
Enfin, OSO "entier, sain, sauf" ne vous apparaît-il pas proche du grec σω̑ς [sōs] "sain et sauf, en bonne santé", moyennant simplement l'inversion des deux premières lettres, type d'inversion qui se présente parfois en linguistique puisqu'on lui a même donné le nom savant de « métathèse ». Alors, nous lançons un SOS : « que tous ceux qui sont … sains d'esprit nous rejoignent dans l'examen objectif des racines totalement indo-européennes que recèle pleinement la langue basque ».
 
OSO
"entier, sain, sauf" 


BET(H)ERIK
"rempli, plein"

σω̑ς [sōs]
"sain et sauf" 


πλῆθορικος
[plēthorikos] "plein"  
 
 
ORO "tout"
 
ὅλος olos]
"tout entier, tout"
Pays basque
  Grèce antique
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] Pierre LHANDE (Père ...) [1877-1957] : célèbre jésuite souletin, pionnier des nouvelles technologies de l'information ... puisqu'il fut en 1927 le premier à lancer une émission catholique radiophonique ! Mais, au niveau Euskara, c'est par son « Dictionnaire Basque-Français », paru en 1926, qu'il est le plus connu.
[2] Eñaut ETCHAMENDY souligne par ailleurs que le sanskrit forme des comparatifs par l'addition
de /-yas/ comme varī-yas pour "assez large ou vaste", navi-yas pour "assez nouveau".
[3] ZABAL "large" ZABALKI "largement", AHUL "faible" AHULKI "faiblement", GOSE "affamé" GOSEKI "avidement"…
[4] On rappelle que /b/p/, 2 consonnes voisines, sont souvent interchangeables en basque, comme dans Bake/Pake (paix), Besta/Pesta (fête), Biper/Piper (piment) …
[5] BET(H)ERIK signifie donc littéralement "achevé d'être rempli". Autre exemple de cette construction : ASERIK "rassasié" ...

[6] ETXERAT=ETXELAT "vers la maison", ERHO = ELHO "imbécile", HOLLI = HORI "jaune", ELK(H)OR = ERK(H)OR "sourd" …