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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons fortement supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ... | |||
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VIE … (deuxième partie) |
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L’article précédent a mis en évidence
la proximité des termes basques et ceux des langues indo-européennes
pour désigner le “souffle”, associé à la
“vie” dans la plupart des civilisations. Poursuivons maintenant notre démonstration. |
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Être ou ne pas être ? On vous souffle la réponse ! | |||
À la fin du dernier article, nous avons évoqué
le verbe IZAN “être”, verbe d’existence par
excellence, dont un cas particulier de la conjugaison rappelle étonnamment
le fameux to be or not to be
? En effet, le basque dispose bel et bien d’un verbe auxiliaire “être, devoir être” qui ne se conjugue que de manière impersonnelle (3ème personne) et injonctive (mode impératif), c.-à-d. pour exprimer un ordre. Ce verbe apparaît sous la forme /BE-/ (au singulier) et /BI-/ (au pluriel). Ainsi, entendons-nous (ou avons-nous entendu, dans le passé) des formules du type BEGO ! "qu’il reste !" (du verbe EGON "rester") ou BIHOA ! "qu’ils aillent !" (du verbe JOAN “aller”). Et c’est ainsi que se construit l’impératif du verbe IZAN lui-même : BIZ (issu de BE + IZAN) "qu’il soit" … à l’origine du terme basque BIZI “vie, existence, vivre”. Nous avons cité le poète souletin Arnaud d’OYHENART [1592-1668] qui écrivait BEZA pour "qu’il soit (par lui)" [1], qu’on ne peut pas ne pas rapprocher de la racine indo-européenne bhes … « souffler » … ce qui confirme tant pour le sens que pour la phonie la proximité des notions de vie et de souffle. |
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Il est ressuscité ... | |||
PIZTU da … en basque … référence
chrétienne bien connue, mais que, toutes proportions gardées,
nous souhaiterions aussi appliquer à Euskara, qui semaine après
semaine de publication de nos articles se réincarne en langue indo-européenne
! Vous l’aurez deviné, PIZ(TU), proche de PITZ, aux sens voisins “donner vie” [2], est un avatar de BIZ(I) qui fait donc pleinement partie du vocabulaire indo-européenne issu du radical /*bhū-/ “faire pousser, faire naître, produire” ; nous en avons donné un représentant grec ἔφῦσα [éphũsa] dont la similitude avec la représentation souletine du terme PHIZ(TU) est encore plus troublante. |
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Détournement
malicieux de la célébrissime scène d'Hamlet (incarné
au cinéma par Laurence Olivier en 1948) qui pose la question « to be or not to be ? » où nous avons remplacé la tête de mort par la phalène, papillon mythique à tête de mort (voir à la fin de l'article). |
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Pierre CHANTRAINE précise par ailleurs que le sens originel dudit vocabulaire issu de /*bhū-/ a évolué vers celui de “devenir” jusqu’à rejoindre celui de “être, exister”, symbolisé par l’expression /*ə1es/ … à rapprocher peut-être de IZ, radical réduit du verbe IZAN “être, exister” ! | |||
Le même fond culturel ... | |||
Parmi les termes basques dans la parenté
de PIZ(TU)/PITZ dont l’un des sens est “ramener à
la vie”, il en est un qui nous inspire particulièrement : c’est
PITXELETA “papillon” [3]. Eñaut ETCHAMENDY nous rappelle en effet que « dans la mythologie de l'aire i.-e. et basque, et même au-delà, [on] a vu dans le papillon (particulièrement la phalène) une image de la résurrection […] si bien que naguère il était déconseillé de nuire notamment aux papillons de nuit et à leurs chenilles. Des récits expliquent que la phalène qui vient la nuit vers la lumière est l'âme du dernier défunt de la famille, d'un voisin ou d'un proche ... ». Quant à la deuxième composante du terme (-ELETA), elle est un avatar du fameux radical indo-européen (encore !) associé à l’idée de « quelque chose qui tourne » (voir Article N° 8) et, en l’occurrence, chacun sait que le papillon de nuit tourne autour de la source de lumière. Nous avons évoqué plus haut le terme grec ψῡχή (psukhḗ) “souffle, …”, “force vitale”, “âme de l'être vivant, …” dont Pierre Chantraine rappelle « [qu’il] en est venu tôt à désigner un papillon […] la phalène, φάλλαινα [phállaina] ... ψυχάριον [psukhárion] “âmelette” [...] de la racine /*bhes-/ “souffler” … » … la boucle (de la vie) est bouclée ! |
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[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique. | |||
[1] Rapporté par Pierre LHANDE dans son dictionnaire … « du verbe IZAN ». | |||
[2] Dans le même dictionnaire de Pierre LHANDE (1926)
: - PIZ, variation de PITZ : ressusciter …, allumer, ranimer, germer, raciner. - Plusieurs sens pour PIZTU dont l’auteur donne également l’orthographe souletine PHIZ- : allumer/ animer/ ressusciter, ramener à la vie/ naître … |
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[3] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905) : s/PITXELETA, terme ayant beaucoup de variantes dont MITXELETA et (la plus courante aujourd’hui) TXIMELETA. | |||
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