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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons fortement supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ... | |||
(42)
VIE … (première partie) |
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L’article précédent consacré à
la « femme » nous conduit tout naturellement à la «
vie », puisque c’est elle “qui fait naître”
… φύομαι
[phúomai] en grec auquel se rattachent les termes ἔφῦσα
[éphũsa] “faire pousser, faire naître, produire”,
φῦσις [phũsis]
“accomplissement (effectué) d'un
devenir” [1], φυσα
[phusa] “souffle” … ; termes qui ont tous en commun le
radical /φῠ-/ [phŭ-]
que Pierre CHANTRAINE rattache avec la symbolique indo-européenne
à l’expression /*bhū-/
“pousser, croître, se développer”, “devenir”,
qu’il complète par cette autre racine /*ə1es/
“exister, être”. « Faire naître », « souffle/souffler », « être », voilà les maîtres-mots dont nous allons maintenant comparer avec le basque l’expression dans des idiomes authentiquement reconnus indo-européens. |
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Le souffle … de la vie | |||
BUHA/UFA/UP(H)A intervient dans de nombreux mots basques
avec le sens général de “souffle”, “vie”
et “être” (au sens “exister”) [2] …
et l’on a aussi l’expression dérivée BUHAZ
“soufflant” (littéralement “en souffle”) à rapprocher évidemment du grec φυσα [phusa] “souffle” … en rappelant une nouvelle fois l’alternance p/b fréquente en basque [3]. Mais, il y a encore plus proche de BUHAZ : la racine indo-européenne de « souffle/souffler », bhes, elle-même à l’origine (selon CHANTRAINE) du grec ψῦχή [psũkhḗ] “souffle, respiration, haleine”, “force vitale, vie” et “âme”. André PICHOT, chercheur (au CNRS) reconnu pour ses écrits sur l’histoire des sciences (et notamment la biologie) commente « l’association [très ancienne] du souffle, de l’âme et de la vie » [4] et il illustre son propos en citant la Bible « Alors Yahvé modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Genèse, 2, 7) ; mais il remonte bien plus avant en citant, d’une part, un texte mésopotamien du XXIIIè siècle avant notre ère où l’on parle de « souffle de vie » et, d’autre part, un texte ayurvédique où l’on peut lire « le vent, moteur essentiel de l’Univers, l’est aussi du corps où il est représenté par le “souffle vital” … ». C’est une nouvelle fois l’occasion de rappeler que la langue védique est la plus ancienne forme de sanskrit, censée être à la base d'une part majoritaire du vocabulaire indo-européen et de vous donner la clé de l’expression ayur-védique … issue de ā́yúhͅ/āyuni “génie de la force vitale, vie” et de veda “science, connaissance”, donc ayur-védique = “science de la vie”. Dans cette lignée, s'inscrit le terme grec αἰών [aiṓn] “force vitale, vie”, “durée, éternité” qu’Eñaut ETCHAMENDY rapproche du radical basque /*-AIUN/*-AUN/ entrant dans la composition de termes tels que IRAUN “durer” ( ![]() Par ailleurs, pour mémoire, dès le 4ème de nos articles (relatif au temps pluvieux), nous étions déjà dans le vent en soulignant la proximité des dérivés du verbe grec ἄημι (aēmi) "souffler" (que sont ἄησις [aēsis] et ἄησι [aēsi] …) et du terme basque HAIZE/AIZE "vent, souffle". |
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Emprunt
de la très belle illustration signée SPL/PHANIE/phanie parue
dans le Figaro-Santé du 19/10/2012 sur l'espérance de vie ... à laquelle nous avons apporté une petite note "éolienne". |
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Conclusion intermédiaire ... | |||
Nous verrons dans notre prochain article que le poète
souletin OYHENART écrivait au 17ème siècle
BEZA "qu’il soit (par lui)",
forme impérative du verbe d'existence IZAN. Ainsi nous
rapprochait-il un peu plus des standards indo-européens dont le radical
bhes cité plus haut a
le sens de … « souffler » ... car du "souffle" à la "vie", en basque, comme en indo-européen, la distance est ténue. |
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[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique. | |||
[1] Définition donnée par E. Benvéniste ; mais aussi chez certains auteurs : "Origine, naissance, croissance, forme naturelle, nature, …" | |||
[2] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) : BUHA(TU)/UFA(TU) souffle, souffler ; la suite de l’article montrera la relation de ce terme avec les notions d’être/exister et de vie. | |||
[3] /b/p/ 2 consonnes voisines souvent interchangeables en basque. Rappelons, pour mémoire, quelques exemples : Bake/Pake (paix), Besta/Pesta (fête), Biper/Piper (piment), Bipi/Pipi (mite), -bide/-pide comme dans Bizibide/Bizipide (métier), Bizkor/Pizkor (vigoureux) | |||
[4] « EXPLIQUER LA VIE - De l’âme à la molécule » (2011) | |||
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