79 Langue
souletine & Pastorale |
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Dès
le début de cet apprentissage (voir Ambition)
et dans le cours de nos leçons, nous avons évoqué l'existence
de plusieurs variantes de la langue basque en en minimisant toutefois la
portée. L'un des dialectes s'éloignant sensiblement du « batua
» (basque unifié) est sans aucun doute le SOULETIN, celui
que l'on parle en SOULE,
la plus petite des provinces située à l'est de l'Iparralde
(Pays basque-Nord). Citons en quelques uns des particularismes :
Ce qui en fait peut-être la plus perceptible des difficultés
est sans aucun doute sa prononciation particulière ; il s'y
ajoute ensuite quelques variantes dans la conjugaison ; enfin, on
y trouve des éléments de vocabulaire propres à
la région mais, en cela, le Souletin ne diffère pas des autres
provinces qui ont toutes leurs spécificités lexicales.
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Pour illustrer ces particularismes,
nous ferons référence aux Pastorales, cette forme
très ancienne de théâtre populaire qui a survécue
en Soule et qui est jouée, chaque année, en basque,
par les habitants de tout un village (ou groupe de villages) comme
en témoigne la photo ci-contre prise à Tardets en
1997 [défilé dit "Passe-rue" au sortir de
la Messe].
Nos principaux exemples textuels seront tirés de la Pastorale
organisée en 2003 par « Zalgize-Donaztebe eta Iruri » (Sauguis-St-Etienne
et Trois-Villes) sur le thème de Etxahun-Iruri, nom
sous lequel est plus connu Pierra Bordazarre (1908-1979), poète
refondateur de la pastorale moderne.
Mais, nous nous appuierons aussi sur celle de Tardets, capitale de
la Haute-Soule, qui retraçait en 1997 la vie de Charles
de Luxe (baron de Tardets au milieu du 16 ème
siècle) sur fond de guerres de religions. Enfin, c'est de celle
de Mauléon (2004), capitale de la Soule, dont le thème
était Antso handia (Sanche le Grand), le plus
marquant des rois de Navarre (1004 - 1035), que seront tirées
nos principales photos. |
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PRONONCIATION
- Apparaissent souvent dans les mots des « ü » qui se prononcent
comme le u français . Les « u » (sans accents) se prononcent
"ou" comme en « batua ». Ainsi, Gaztelu (château)
devient Gaztelü, Teilatu (toit) Teilatü,
Egun (jour) Egün, Leku (lieu/endroit)
Lekü et batu (unifié) devient batü
... La plupart des mots du vocabulaire batua contenant des « u »
sont ainsi transformés, mais il en est qui conservent le « u » (donc
prononcé "ou"), comme dans gure (notre),
ikusi (vu), ur (eau), Agur (salut),
urte/urtaro (an/saison), urdin (bleu),
... mais nous n'avons pas perçu de règle permettant de les
identifier.
- Les h aspirés sont un peu plus nombreux mais toujours très
perceptibles comme dans hon pour on (bon) ou hanitz
pour anitz (beaucoup). Mais, surtout, on les entend même
dans des mots où ils n'apparaissent pas explicitement à l'écrit.
Ainsi, entendons nous ik(h)asi pour ikasi (appris),
bet(h)e pour bete (plein/rempli), ap(h)al pour
apal (bas) ou Lek(h)ü ...
- ea se prononce "ia" : ainsi Etxea (la
maison) se prononce Etxia (é tchia), artean (entre)
artian ...
- de la même manière, üa se prononce "ia"
: ainsi Leküa se prononce Lek(h)ia ...
- üe se prononce "ie" (yé) :
ainsi züek, pour zuek (vous collectif) se prononce ziek.
- oa se prononce "oua" comme dans Xiberoa
(pour Zuberoa la Soule) ou leihoa (la fenêtre).
Mais certains o isolés se prononce parfois également
"ou" : ainsi, hon (= on en batua) se prononce "houn".
Donc, pour
« Egun on » (bonjour), entendons-nous "Egün houn"
.
- eo (assez peu fréquent en basque, si ce n'est dans des mots
d'origine étrangère) se prononce souvent "io".
- Le plus souvent, le "r" entre deux voyelles ne s'entend
pas : ainsi, hiru (trois) devient "hiou", Buru(tête)
devient "Bü" et Buruz-buru (tête-à-tête/face-à-face)
"Büz-bü" ... Les Souletins seraient-ils les créoles
du Pays basque ?
- j se prononce comme en français (je) et non ye
comme en batua. Ainsi, les verbes jan (mangé), jin
(venu), joan (allé) se prononcent-ils "à
la française".
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... müsika, kantore, idazkera / olerkia,
dantza, komedia, aphaindüra eta, noski, deklamatioa.
... musique, chants, écriture / poésie,
danses, comédie, décoration ... et bien sûr
déclamation.
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Illustration sonore du parler souletin :
l'hymne de la Soule, Agur Xiberoa, analysé en leçon
N° 78 que l'on entend bien entendu dans la Pastorale 2003 consacrée
à Etxahun-Iruri ... qui en est l'auteur :
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ENTENDRE
L'HYMNE
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un simple clic
sur les mots ci-contre permet d'entendre les belles voix souletines. |
Sor leküa ützirik
gazte nintzalarik,
Ayant laissé le Pays natal
quand j'étais jeune,
Parisen sartü nintzan korajez beterik,
J'étais entré dans
Paris plein de courage,
Plazerez gose eta bürüan hartürik
Affamé de plaisir et considérant
Behar niala alagera bizi ...
Que je devais vivre joyeusement
...
Bostetan geroztik nigar egiten dit
Souvent, depuis, j'ai pleuré
Xiberoa zuri.
[en pensant] à vous Soule. |
Leküa se prononce Lekia
- nintzen (j'étais) devenant nintzan en souletin, nintzelarik
devient nintzalarik
Remarquez la prononciation "à la française"
kourajez
Bürüan se prononce Burian
Nüen (j'avais) devenant en souletin nian, nüela devient
niala
Negar=nigar (également utilisé en labourdin et Navarrais)
Pour « dit », voir plus bas la conjugaison de l'auxiliaire
Avoir (Üken en souletin).
Xiberoa se prononce Xiberoua |
ENTENDRE
LE REFRAIN |
Pour info, Errepika (refrain) -
Errepikatu (répété) |
Agur Xiberoa,
Salut Soule,
Bazter güzietako xokorrik eijerrena,
De tous les coins [le coin] le plus
gracieux.
Agur sor leküa,
Salut pays natal,
Zuri ditit ene ametsik goxoenak.
A vous je dois les rêves les
plus doux.
Bihotzan erditik
Du fond du cur,
Bostetan elki deitadazü hasperena ...
Souvent, vous m'avez fait soupirer
...
Zü ütziz geroztik,
Depuis que je vous ai laissée,
Bizi niz trixterik, abandonatürik,
Je vis tristement, dans l'abandon.
Ez beita herririk,
Car il n'y a pas de lieu [pays],
Paris ez besterik, zü bezalakorik.
Ni Paris, ni autre, semblable à
vous. |
Dans güzietako on entend yé - Eijer, mot
du lexique souletin = Polit (joli en batua)
ene=nere - On entend goxouenak - Nous revenons
plus loin sur la conjugaison de l'auxiliaire Avoir (Üken
en souletin) à propos de « ditit ».
= Bihotzaren erditik
Bostetan (dans les cinq), expression souletine = Anitz aldiz
(maintes fois) - Littéralement Vous m'avez sorti
/ enlevé le soupir
A propos de « niz », nous revenons
plus loin sur la conjugaison de l'auxiliaire Etre (Izan).
Beita = beit da (parce qu'il y a) [en batua baita] |
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Rito aldagaitz bat segitzen dü Pastoralak
: bethi, hastapenean, geia (Etxahunez gerostik, Eüskal Herriko
historitik) erakusten deigü lehen peridikü lüze batean.
Ürrentzean, azken perediküa motzago da bere moraleki.
Bi adeen artean, hiru notatako, hogei bat jelkalditan ... horien artean
ahaideak, kantoreak eta dantzak badira.
Hori dena 3-4 orenez, üsü bazterraren erdian.
Pastorala güzietan, simbolo hanitx badira.
Adibidez, bethi, agertzen dira hiru jente mota : |
La Pastorale obéit
à un rituel immuable : au début, nous est toujours présenté
le thème (depuis Etxahun-Iruri, issu de l'Histoire du Pays
basque) dans un long prologue (lehen
perediküa).
Elle se termine par un épilogue plus court (azken
perediküa) [généralement] moralisant.
Entre
ces deux parties, une vingtaine de scénettes déclamées
sur trois notes entre lesquelles s'insèrent airs de musique,
chants et danses.
Tout celà en 3 à 4 heures, souvent en pleine campagne.
Dans toutes Pastorales, beaucoup de symboles. Par exemple, interviennent
toujours 3 types de personnes : |
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... honak (kiristiak) kolore
urdineki
... les bons (les chrétiens)
aux couleurs [à dominante] bleue
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... bien artean, zelüko pertsonaiak (elizako
jenteak, aingürüak)
... entre les deux, les êtres célestes
(gens d'église, anges)
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... gaiztoak (turkak, satanak
... )
kolore gorrieki
... les méchants (les
turcs ! les satans) aux couleurs [à dominante] rouge
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Citons l'extrait suivant du prologue de la Pastorale tardésienne
de 1997 [dont l'auteur est Pier-Pol BERZAITZ], qui aurait pu tout aussi
bien s'appliquer à celle de Mauléon (Antso handia) et qui
résume parfaitement l'ambiance qui sous-tend toute Pastorale :
Sentimentü nahasiak
Gerlak eta amodiak
Heben dütügü bildürik
Pastoralen gatz piperrak
Trajeriaren mündüan
Aktüren ilüsionean
Jar zite adixkideak
Arrestiri honen denboran
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Sentiments
troubles
Guerres et amours
Nous avons ici rassemblés
Tous les ingrédients de la Pastorale
[littéralement sel (et) piments]
Dans le monde de la tragédie
Dans la magie des acteurs
Installez-vous chers amis
L'espace de cet après-midi
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CONJUGAISON
[nous nous appuyons sur les travaux de l'abbé Jean Epherre, qui
officiait à Tardets et fut un grand défenseur de la langue
souletine avant de disparaître prématurément en 2004]
- Pour mémoire, remarquez dans l'extrait de prologue précédent
les 2 formes verbales dütügü (variante souletine du
"ditugu" batua) et Jar zite, impératif du verbe
jarri, très proche du batua "jar zaite".
- Plus simplement, « Bizi niz trixterik » entendons-nous dans l'hymne
souletin où niz est assez proche du batua "naiz" (je
suis). Mais ceci, Etxahun-Iruri se le disait loin de sa terre natale
et ... seul à Paris. Car s'il avait été face à
une personne respectée (qu'il vouvoyait ?), il aurait dit « Bizi
nüzü trixterik ».
Dans le même ordre d'idée, en nous disant « ... nigar egiten
dit Xiberoa zuri » (... je pleure en pensant à Vous la
Soule), Etxahun confirme s'il en était besoin qu'il respecte
profondément sa terre natale ... au point de la vouvoyer. Seul, il
eut pu se dire « nigar egiten düt ».
»» Ainsi, la
notion de respect (vouvoiement ?) vis-à-vis d'un interlocuteur transparaît
dans la conjugaison souletine de l'auxiliaire même quand on parle
à la 1 ière personne ... et pas seulement à
cette 1 ière personne comme nous le verrons plus loin.
- Par ailleurs, face à des amis de son âge, le même Etxahun
eut pu dire en s'adressant à un homme
« Bizi nük trixterik » ou « nigar egiten diat » et, en
s'adressant à une femme, « Bizi nün trixterik » ou
« nigar egiten diñat ».
»» Ainsi, la conjugaison de l'auxiliaire diffère-t-elle
selon le sexe de l'interlocuteur.
Sans plus entrer dans les détails, nous vous donnons dans les tableaux
ci-dessous la conjugaison souletine des verbes Etre et Avoir
au seul présent de l'indicatif. Mais, bien entendu, ces traitements
particuliers de la conjugaison subsistent à tous les temps. |
Conjugaison souletine de l'auxiliaire Izan (être)
par comparaison à celle
du Batua (basque unifié) |
Différentes personnes
|
Batua
(unifié) |
Forme
principale |
Traitements particuliers |
Batua (basque unifié) |
Souletin
|
Masculin |
Féminin |
Respectueux |
Ni (Je) |
Ni
|
naiz
|
niz
|
nük
|
nün
|
nüzü
|
Hori (Il / elle) |
Hori
|
da
|
da
|
dük
|
dün
|
düzü
|
Gu (Nous) |
Gü
|
gara
|
gira
|
gütük
|
gütün
|
gütüzü
|
Zu (Vous individuel) |
Zü
|
zara
|
zira
|
|
|
|
Zuek (vous collectif) |
Züek
|
zarete
|
ziraie
|
|
|
|
Horiek (Ils / elles) |
Horik
|
dira
|
dira
|
dütük
|
dütün
|
dütüzü
|
|
Conjugaison souletine de l'auxiliaire « Üken
» (avoir) par comparaison à celle
du Batua (Ukan) |
Différentes personnes
|
Ukan
(COD pluriel) |
Forme principale
(COD pluriel) |
Traitements particuliers |
Batua (basque unifié) |
Souletin
|
Masculin |
Féminin |
Respectueux |
Nik (Je) |
Nik
|
dut
(ditut)
|
düt
(dütüt)
|
diat
(ditiat)
|
diñat
(ditiñat)
|
dit
(ditit)
|
Horik (Il / elle) |
Horik
|
du
(ditu)
|
dü
(dütü)
|
dik
(ditik)
|
din
(ditin)
|
dizü
(ditizü)
|
Guk (Nous) |
Gük
|
dugu
(ditugu)
|
dügü
(dütügü)
|
diagü
(ditiagü)
|
diñagü
(ditiñagü)
|
dizügü
(ditizügü)
|
Zuk (Vous individuel) |
Zük
|
duzu
(dituzu)
|
düzü
(dütüzü)
|
|
|
|
Zuek (vous collectif) |
Züek
|
duzue
(dituzue)
|
düzüe
(dütüzüe)
|
|
|
|
Horiek (Ils / elles) |
Horik
|
dute
(dituzte)
|
düe
(dütüe)
|
die
(ditie)
|
diñe
(ditiñe)
|
dizüe
(ditizüe)
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Au-delà
des créateurs ... du texte (généralement un seul auteur),
de la musique et des chants, la réalisation d'une Pastorale implique
tout un village (ou groupement de villages) pendant près d'un an
: un nombre considérable d'acteurs et de figurants (parfois plus
de 100 ... tous amateurs), des musiciens, des danseurs, des chanteurs, des
professeurs de toutes ces disciplines, des costumiers, des décorateurs,
des organisateurs et même, in fine, des illustrateurs et traducteurs
du livret toujours présenté en euskara, français
et espagnol. C'est chaque fois une formidable occasion pour une commune
de se retrouver, d'échanger, de se mieux connaître ... bref,
un espace exceptionnel de convivialité qui est partagé avec
le public.
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VOCABULAIRE
Chemin faisant, dans le fil de nos leçons précédentes,
et au-delà des transformations mineures du vocabulaire "batua"
dont nous avons entraperçu plusieurs exemples, nous avons déjà
rencontré des termes et expressions propres à la Soule :
Eijer = polit (joli, gracieux), Eki = eguzki (soleil),
Elki = atera (sorti), Jin = etorri (venu),
Neskanegun = larunbat (samedi), Ontsa = ongi (bien,
également utilisé en Navarre), Txilintxau (en
suspens, mais aussi pour une personne flageolant), Txülüla
(flûte souletine), Uhaitz (rivière, torrent)
...
Il en est bien d'autres, mais somme toute pas aussi nombreux qu'on se
plait à le dire à n'avoir aucun lien avec le vocabulaire
batua ou celui des autres provinces. Citons-en quelques uns dont certains
que nous mettons en gras pour vous permettre de mieux décrypter
notre ... épilogue : Agitü = gertatu (arrivé, survenu),
Arizale = Aktore (acteur), Ebi= euri (pluie), Debeatü
= aspertu (s'ennuyé), Koblakari = bertsolari (improvisateur,
barde), Lili = lore (fleur), Phürrü = bederen
(au moins, qui est à la tête, dérivé
de Buru), Tini = kasko, gain (sommet), Ürrendu = bukatu
(terminé), ...
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En guise ...
d' Epilogue
Azken
perediküatako
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Que Roger IDIART, auteur
de la Pastorale « Etxahun Iruri »,
nous pardonne de le plagier en transformant (très faiblement)
2 strophes de son épilogue à la gloire de Etxahun auquel
nous substituons la Pastorale à laquelle
il s'est tant identifié ! |
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[Gure] Azken p(h)erediküa
Pastoralen goresteko
Egün bat phürü beharko zen
Züek ez debeiarazteko
Dügü heiñ huntan ürr(h)entzen
Pastoralen dohainak
Nurk ez dütü ezagützen ?
Arrotzek ere dütüe
Gainti orotan hedatzen.
Hortakoz gitian izan
Ahal oroz üskalzale
Eta gure gisa
Xiberoaren maithale.
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[Notre] Epilogue
Pour faire l'éloge de la Pastorale
Un jour au moins eut été nécessaire.
Pour ne pas vous ennuyer,
Nous allons en rester là.
Les qualités de la pastorale,
Qui ne les connaît pas ?
Même à l'étranger
Elles se sont répandues partout.
Aussi, soyons [de toutes
nos forces, défenseur du basque
Et à notre manière,
Amoureux de la Soule.
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Verbe goretsi de gora (élevé)
Littéralement arrêter à ce point
Dohain (qualité, don, talent)
Nurk = nork
Litt. Les étrangers mêmes les ont propagées
en passant partout
Subjonctif (en batua) gaitezen izan
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