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(25) Des constructions similaires !
 
Nous avons vu à quel point étaient comparables les transformations de mots basques et grecs anciens à l'aide de suffixes très ressemblants. Intéressons-nous, dans le présent article, aux constructions internes de certains mots.
 
Sous le même joug !
Dans le basque moderne le "joug" est désigné par UZTARRI et plus anciennement par BUZTARRI [1], le « B » initial donnant la clé de sa construction : BI "deux" BIKUTZ "paire" [1] sans doute à l'origine de la première partie du mot BUZTARRI. BUZTAR, désignant un « agent actif » [2] signifierait donc "apparieur, (celui) qui rend dépendant".
 
Or, n'est-il pas curieux que le grec antique propose pour le mot "joug" une construction identique avec ζευκτήριος [zeuktḗrios] où ... ζευκ-τήρ [zeuk-tḗr] signifie "qui unit" ? … même suffixe traduisant un agent actif [3] ainsi que partie des mêmes lettres du KUTZ de BIKUTZ !
 
 
(B)UZTARRI "joug"
étymologiquement
"appareilleur, qui rend dépendant"
 
ζευκτήριος [zeuktḗrios] "joug"
de ζευκ-τήρ [zeuk-tḗr]
"qui unit"
 
 
Pays basque
Grèce antique
 
 
Celle de … lui !
Deux des plus éminents linguistes indo-européanistes du vingtième siècle, Emile BENVENISTE et Pierre CHANTRAINE, déjà maintes fois cités, ont démontré que les féminins latin et grec se construisent de la même manière, que nous allons expliciter par deux exemples :
- En latin, nous avons rex "roi" et regis "du roi" [4] qui induit le terme regina "reine", mais littéralement "celle du roi".
- En grec, par le même processus, λύκος [lúkos] "loup" induit le féminin λύκαινα [lúkaina] "louve", signifiant littéralement "celle du loup".
 
Le basque, tel qu'il nous est parvenu, est sensé ne pas avoir de genre, donc de féminin … et pourtant, persistent quelques spécimens de féminins construits sur le même principe : l'exemple le plus flagrant est donné par le terme ASTO "âne" auquel correspond encore aujourd'hui le féminin ASTAINA "ânesse" qui s'analyse bien comme le cas de déclinaison possessif "celle de l'âne" : terminaison en -ENA et dans les dialectes -AINA. Ce dernier suffixe est rigoureusement le même que celui du grec -αινα [-aina] répondant plus généralement au suffixe indo-européen /*-nya/ [4].
 
 
 

[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.

[1] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905)

[2] Rappel et poursuite de l'article précédent : nous notions que le suffixe « -TAR(R) » "qui tient de, qui est de", est également très proche des suffixes « -TARI et -TER » marqueurs d'agents actifs personnifiés comme dans AGINTARI "dirigeant" à rapprocher du grec ἀγητωρ [agētōr] "dirigeant (prêtre)" ou BE(G)ISTARI "surveillant, épieur" à rapprocher peut-être de ἵστωρ [ϝistōr] "témoin" !

[3] Exemples d'agents actifs en grec antique : ἀθλητήρ [athlḗtēr] "lutteur", αρπακτήρ [arpaktḗr] "ravisseur", θηρητήρ (thērētḗr) "chasseur", κυϐερνητήρ (kubernētḗr) "pilote" …

[4] Cas possessif dit « génitif » : Le suffixe d'appartenance indo-européen est symbolisé par l'expression /*-nya/ où ...
- // signifie « représentation phonémique » et
- * désigne une « forme reconstituée non attestée ».